Aux rideaux des fenêtres Alors que chaque matin, je passe rapidement à pied devant « sa » maison, pour prendre le bus de l’école, j’aperçois le fin rideau blanc qui s’entrouvre. Elle l’attache avec une pince à linge et son visage ridé me regarde passer. Je n’ai pas le temps de voir si elle me sourie ou peut-être que je ne prends le temps de regarder ce visage. Je ne prends pas le temps de tourner la tête vers elle pour la saluer alors que je sais pertinemment qu’elle restera seule toute cette journéegrise d’automne et que mon passage, le passage de tous ces enfants qui partent faire leur journée d’école, c’est peut-être la seule distraction de sa journée.
Et le soir quand je rentre de l’école, je vois bien que le rideau s’est à nouveau entrouvert, mais je fais la même chose que le matin.
L’autocar démarre, rempli de sa cargaison d’enfants bruyants et rieurs, je prends place à côté de mon petit frère et nous passons devant « sa maison », doucement le rideau se ferme, elle sait que nous sommes partis faire notre journée, elle pense à son enfance, quand elle allait à l’école, qu’elle revenait en marchant avec ses amies, de ses rires, de ses fous rires.
Aujourd’hui, sortie piscine, l’autocar nous attend déjà devant le collège et nous montons plus sagement que ce matin. Le professeur fait l’appel et le bus démarre. Le nez collé à la vitre, je commence à regarder machinalement les fenêtres des maisons, et les rideaux de ces fenêtres pour m’apercevoir qu’il y a souvent assis derrière, une personne âgée, une personne handicapée ou même un enfant. Les passants tournent parfois la tête et saluent gentiment, ce qui provoque mon grand étonnement, un gentil sourire qui éclaire tout à coup le visage de cette personne qui ne peut sortir et profiter de la vie, assise à sa fenêtre, elle s’ouvre à la vie et montre à sa manière qu’elle veut continuer à prendre part à l’existence des autres.
Quand le temps le permet, la fenêtre s’ouvre et c’est parfois une voisine qui s’arrête et discute gentiment.
J’ai un peu l’impression que mon cœur s’ouvre lui aussi et je commence à comprendre qu’il est en fait simple de donner, rien qu’un sourire, rien qu’un regard d’enfant rieur pour changer la couleur d’une journée.
La journée est finie, et le bus de l’école nous dépose à l’arrêt.
Mon petit frère est rentré avant, il termine souvent plutôt. Je marche doucement sur le trottoir, mais je traverse avant pour pouvoir passer devant « sa » maison. Le rideau est levé, elle est là ! A partir de ce jour, rien ne pourra m’empêcher de tourner la tête vers elle pour la saluer, de lui sourire et de recommencer chaque jour. J’arrive à la maison le cœur léger, plein de devoirs pour le lendemain mais avec l’impression d’avoir fait un grand pas, je me sens bien.
Mon frère me demande les raisons de cette joie, et je lui raconte que je n’osais jamais dire bonjour à la voisine car elle me faisait un peu peur et aujourd’hui, je l’ai fais et que cela m’a rendu heureux de la voir me sourire et me faire un petit signe de la main. Il m’explique alors que, depuis le début de l’année qu’il prend le car pour aller au collège (il est en 6ème), il dit bonjour à la voisine uniquement quand il est seul. Avec moi, il n’osait pas. Demain nous serons deux.
Lisez mon histoire, et attardez vous parfois à regarder aux fenêtres des maisons, à voir les rideaux bouger, à voir que la solitude des gens n’est pas inéluctable, non ils ne vous surveillent pas, mais cherchent simplement un peu de réconfort dans un monde qui devient trop indifférent.
Et demain nous serons des milliers!