J’étais en Italie à Rome pour un week-end avec ma famille qui est constituée de ma mère, mon père et mon petit frère. Mon frère qui à l’époque était âgé de 6 ans n’était pas très motivé par la découverte de la capitale de l’Italie. Tout ce qui l’intéressait, c’était la perspective d’avoir des cadeaux à cette occasion ! Ma mère avait préparé comme à son habitude un programme de visites assez chargé. Nous avions commencé par visiter le Colisée. Impressionnant. On pouvait facilement s’imaginer 2000 ans en arrière. Et immense. J’avais l’impression que je ne pourrais jamais en faire le tour ! Mon frère, lui, n’avait pas arrêté de nous pousser à courir comme s’il était pressé de finir la visite. En fait, il avait repéré à l’entrée des vendeurs de babioles et Monsieur mon petit frère voulait son souvenir. Il choisit une statue d’un conducteur de char. Moi, j’avoue que je craquais pour une reproduction d’Aphrodite en plâtre telle que Botticelli l’a peinte dans son célèbre tableau représentant sa naissance.
Lors de la visite du Forum, du Panthéon puis à la Fontaine de Trévise, où dit-on il faut jeter une pièce pour être sûr de revenir à Rome, ce fut la même histoire. A chaque visite, mon frère réclamait quelque chose. Soit une glace, soit un jouet… L’aspect positif de la chose est que moi aussi j’avais droit à plein de cadeaux. Comme quoi, les caprices de mon frère n’étaient pas complètement inutiles !
Le deuxième et dernier jour de notre séjour à Rome était au Vatican. Mon petit frère avait obtenu d’avoir de l’argent avant de commencer la visite pour s’acheter une épée de plastique de garde suisse quand nous repartirons. Mes parents m’avaient donné à moi aussi de l’argent, mais je ne savais pas encore comment j’allais le dépenser. Nous faisions la queue pour aller voir la chapelle Sixtine. Nous étions entourés de gens de tous les pays qui parlaient toutes sortes de langues, comme si le monde entier s’était donné rendez-vous ici. Pendant cette longue attente, j’observais les alentours. Il y avait énormément de mendiants qui semblaient très malades. Certains étaient sans jambes, d’autres avec un bras ou une main en moins. Dans mes vêtements de marque, je me sentais très mal.
D’un seul coup, mon petit frère se retourna et commença à courir de toute vitesse comme un galop. Inquiète, je me mis à courir après lui tandis que nos parents nous criaient de revenir. C’est alors que je le vis donner son trésor à une très vieille dame assise par terre qui tendait la main et que nous avions croisé quelques minutes plus tôt. Elle était d’une maigreur à faire peur mais elle eut une étincelle dans les yeux quand mon frère lui remit son argent. Je fus si touchée de voir mon petit frère agir de la sorte que je ne pensais même pas à faire comme lui. J’ai compris qu’il n’était pas si égoïste que ça et que ce n’est pas parce qu’on est un petit enfant qu’on ne comprend pas la dureté de la vie. On la voit avec moins de gravité, c’est sûr, mais elle est présente.
Si c’est ce geste de générosité qui m’est venu en mémoire quand j’ai réfléchi à ce thème, c’est parce que c’est lui qui m’a le plus émue. Il m’arrive à moi aussi de donner de l’argent à des mendiants et j’ai déjà vu beaucoup de personnes le faire, mais que ce soit mon petit frère adoré qui le fasse alors qu’il est si jeune et si égoïste en apparence m’a profondément touchée.
Je ne lui en ai jamais reparlé, mais depuis je le vois différemment.