Samedi 7 octobre 2006, au Mémorial de Caen. Jacqueline de Romilly et Nikos Aliagas , en répondant à l’invitation de l’École de Caen, ont offert un moment de vrai bonheur au public venu en nombre dans l’amphithéâtre. Visiteurs de tous âges et de toutes conditions, adolescents un peu inquiets, guettant l’arrivée de l’icône télévisuelle, professeurs de Lettres, anciens étudiants, attendant avec fébrilité la venue d’une grande dame… Autant de destins que de questionnements. J’étais là aussi, en compagnie des membres de l’association et – je l’avoue aujourd’hui – sans savoir à quoi m’attendre exactement. À ma grande honte, nous arrivons en retard. Les protagonistes ont déjà pris place sur l’estrade. Nous nous faufilons vers les premiers rangs (vers ces places traditionnellement désertées, à l’école comme à la Faculté). Et voilà que, sous nos yeux, la magie opère. Que les deux personnalités, si différentes de prime abord, si éloignées que certains se plaisent à les opposer, voilà donc que ces deux âmes s’accordent et se complètent au point de captiver de bout en bout leur auditoire. Suis-je le seul bouleversé par la grâce de cette rencontre ? Non. Je me glisse dans un coin de la salle et j’observe. Les adolescents, bouche bée, ne quittent plus madame de Romilly des yeux. Ils hochent la tête, conquis. Les adultes, pourtant méfiants, acquiescent à la lecture de Nikos. Je sais alors que leur message universel, transgénérationnel, est passé. Chère Jacqueline de Romilly, cher Nikos Aliagas , Sachez que je m’en veux, depuis samedi. Je n’ai pas osé prendre la parole après vous. Je n’ai pas su vous remercier d’avoir offert ce beau débat. Ce n’est ni par souci du protocole, ni par timidité. Mettons cela sur le compte de l’émotion, du trouble vrai et profond, ressenti à votre écoute. J’écris donc aujourd’hui pour vous dire tout le bonheur, toute la joie qui furent les nôtres en vous accueillant. Votre démarche peut se résumer en trois mots : sincérité, fidélité, engagement. Trois valeurs désuètes à notre époque, que vous avez pourtant décidé de réactualiser… tout comme vous rappelez que les jeunes gens d’aujourd’hui peuvent faire montre d’une attitude positive, pour peu qu’on leur en donne les moyens. Sincérité, tant il est vrai qu’aucun de vous n’a besoin d’une telle action pour exister et briller. Vous donnez, et donnez encore, pour cette noble et belle cause. Fidélité, parce qu’en dépit des difficultés, chacun de vous a répondu présent lors de ce rendez-vous. Ce faisant, vous avez fait naître des vocations – je peux vous l’affirmer, ayant interrogé quelques adolescents au sortir de la conférence. Engagement, puisque vous vous inscrivez dans la durée. Et que vous pouvez être certains que nous ferons en sorte de prolonger cette action. C’est un magnifique combat que vous avez décidé de mener conjointement. De beaux défis, en perspective, face au marasme, à la tristesse, au cynisme ambiants. Sachez, chère Jacqueline de Romilly, cher Nikos Aliagas , que l’École de Caen et ses membres – qu’ils soient illustrateurs ou auteurs – vous épaulera dans toutes ces batailles à venir. Pour finir, permettez-moi de vous adresser un mot à chacun. À Nikos, tout d’abord. Merci, mon ami, pour ton indéfectible soutien. Merci d’avoir su fédérer les énergies et d’avoir créé cette convivialité qui donna jour à « la Confrérie de l’Olivier ». Merci enfin et surtout de partager avec nous un peu de cette lumière qui est la tienne. À Madame de Romilly, ensuite. Chère Jacqueline de Romilly, merci pour votre optimisme, votre gentillesse, votre humour, et la grâce avec laquelle vous avez délivré votre message. Vous qui, en prenant place à l’Académie, avez atteint le statut d’Immortelle... Merci, Madame, de nous offrir un peu de votre éternité.